Galerie d'art Stewart Hall

du 16 décembre 2023 au 11 février 2024


Responsable des expositions : Manel Benchabane

176, chemin du Bord-du-Lac-Lakeshore, Pointe-Claire, QC H9S 4J7

514.630.1254 ex 1778

galerie.stewarthall@pointe-claire.ca

https://www.pointe-claire.ca/en/art-gallery/

Artistes :

Pardiss Amerian, James Gardner, Ella Gonzales, Magalie Guérin, Phuong Nguyen, Sarah Pupo, Bronson Smillie, Emma Welch

Commissaires :

Anaïs Castro, Manel Benchabane & Alice Ricciardi

Les crises qui affectent l’humanité, qu’elles soient écologiques, politiques ou sociales, ont engendré des dilemmes philosophiques et éthiques complexes. En conséquence, exister dans le monde actuel implique inévitablement de traverser des contradictions métaphysiques. Dans une société politique et économique de plus en plus polarisée, une posture radicale en est une qui défend précisément l’intersection. Il s’agit d’une position qui évite d’être catégorique et qui considère plutôt une chose à travers son opposé; qui cherche une perspective par le biais de son revers. C’est une posture ouverte qui laisse place au dialogue et au discours; qui accepte de se faire prendre en défaut. C’est une disposition pour l’empathie.

Cruel to Be Kind / Les plus beaux cauchemars est un projet qui s’attarde précisément à ces processus de confluence. Il explore les diverses manières dont les formes de pratique peuvent être présentées comme porteuses de structures et d’idéaux esthétiques contradictoires tout en plaidant pour des espaces de discours et en défendant des positions de compassion, d’amalgame et d’intersectionnalité. Le projet se déploie dans trois espaces qui ouvriront à différents moments durant l’automne 2023.  

Le dernier volet de cette exposition prend place à la Galerie d’art Stewart Hall, dans le grenier reconverti d’une demeure cossue surplombant le lac Saint-Louis. Pour cet ultime segment, l’exposition se concentre sur des pratiques picturales qui transcendent les frontières de la toile ou du panneau traditionnel, embrassant des plans nouveaux et inattendus qui élargissent la zone picturale vers les domaines sculptural et architectural. Plusieurs des artistes ont réalisé des œuvres spécialement pour l’exposition. C’est le cas de Pardiss Amerian, une artiste de Montréal qui s’inspire de son héritage persan et qui a développé une technique de peinture consistant à sabler la surface afin de conférer une texture de pierre à son travail.

Sarah Pupo et James Gardner produisent aussi de nouvelles installations pour l’exposition en utilisant des matériaux avec lesquels ils sont tous deux familiers. L’installation textile à l’aquarelle de Pupo drape une partie de la galerie, alors que Gardner utilise du fil de fer et du béton pour construire une structure destinée à accueillir ses peintures. Celles-ci sont elles-mêmes des amalgames de fragments d’images diverses fusionnées au cours d’un processus qui crée une quantité considérable de débris. S’accumulant dans l’atelier de l’artiste, ils deviennent des agrégats sculpturaux qui sont intégrés à ses installations picturales élaborées. Bronson Smillie récupère également des matériaux pour son travail. Ses peintures tridimensionnelles rappellent plusieurs travaux d’artistes, comme les boitiers de Joseph Cornell, les pièces de mobiliers immobilisées de Doris Salcedo et les motifs de lignes de Daniel Buren. Le travail de Smillie réanime des objets mis au rebut devenus obsolètes dans l’actuelle société du capitalisme tardif, tels que des cartes routières imprimées, des articles de bureau et des carnets d’adresses.

Les compositions envoutantes de Phuong Nguyen font également appel à un étonnant étalage de matériaux. Elle suspend des tessons de céramique et des toiles

peintes au milieu de cadres trouvés ou récupérés à l’aide de fils de plastique de couleurs vives souvent utilisés pour tisser les sacs de courses. Deuxième génération d’une famille vietnamienne réfugiée, Nguyen s’intéresse à la façon dont la diaspora se réenracine dans un tout nouveau sol. Elle est inspirée par les choses que ces familles apportent avec elles, même si celles-ci sont brisées, afin de reconstruire leur maison sur une terre étrangère. Son travail explore de façon matérielle la guérison et le dépassement d’un traumatisme générationnel et de blessures culturelles. Ella Gonzales s’intéresse aussi au parcours migratoire de sa famille. En se basant sur sa mémoire et sur des preuves photographiques, elle utilise un logiciel de modélisation 3D pour reconstruire des espaces dans lesquels elle a habité, de la maison de son enfance aux Philippines jusqu’aux anciennes maisons familiales en Arabie saoudite et au Canada. Elle traduit ensuite ces modélisations en compositions picturales abstraites avec une palette douce et onirique. De façon similaire, on retrouve des nuances saccharines dans le travail d’Emma Welch, dont l’intention est différente. Welch s’intéresse aux comportements de protection et de chasse des animaux et des insectes, particulièrement l’imitation, le camouflage et la création de motifs. Tout comme Gonzales, ses œuvres abstraites résultent d’une première manipulation numérique qu’elle traduit en installations picturales et sculpturales. La recherche ontologique de Magalie Guérin sur les relations picturales l’a mené à élargir sa pratique de peinture abstraite afin d’y intégrer des pièces de céramique. La dualité entre figure/sol, motif/couleur et espace/contour se complexifie davantage avec ces vases irréguliers nouvellement développés.

La variété des pratiques rassemblées à la Galerie d’art Stewart Hall souligne l’hybridité et la convergence de la peinture actuelle en présentant des artistes qui naviguent aux croisements de divers structures et idéaux esthétiques. À travers les contradictions spatiales, l’expérimentation avec les matériaux et l’exploration de nouveaux plans, ces artistes repoussent les limites de la peinture traditionnelle et ouvrent de nouvelles avenues à la production picturale.

Cruel to be Kind / Les plus beaux cauchemars est une invitation unique à envisager la pertinence de la peinture, son dynamisme et sa capacité d’expression transformatrice. Elle remet en question les notions préconçues entourant la peinture en encourageant une appréciation de la diversité des voix et des perspectives dans ce domaine : de la figuration à l’abstraction, des détails méticuleux à l’expérimentation ludique. L’exposition célèbre les qualités uniques de la peinture comme discipline, son habileté à refléter la réalité, à imaginer des modèles alternatifs et à transmettre des messages complexes par un jeu de formes, de couleurs et de gestes. Elle met en outre l’accent sur l’importance du dialogue, du discours et de la compassion en embrassant l’intersectionalité des perspectives contrastantes. Il ne fait aucun doute que les artistes de l’exposition démontrent avec force le potentiel de la peinture à nous aider à traverser les défis qui nous attendent. 

par Anaïs Castro, traduit de l’anglais par Catherine Barnabé

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