Galerie d’Outremont

du 8 novembre 2023 au 7 janvier 2024


Responsable des expositions : Sebastian Abalos

41, ave Saint-Just, Montréal, QC, H2V 4T7

514.495.7419

galerie.outremont@montreal.ca

https://montreal.ca/lieux/galerie-doutremont

Artistes :

Delphine Hennelly, Jeanie Riddle

Commissaires:

Anaïs Castro & Alice Ricciardi

Cruel to Be Kind / Les plus beaux cauchemars est un projet développé pour la seconde édition de Pictura sous le commissariat de Anaïs Castro et Alice Ricciardi. Celui-ci se déploie dans trois espaces qui ouvriront à différents moments durant l’automne 2023. À la Galerie d’Outremont, Cruel to be Kind / Les plus beaux cauchemars devient un espace d’expérimentation qui rassemble le travail de deux artistes dont les intentions esthétiques sont fondamentalement différentes. La pratique de Delphine Hennelly est habituellement figurative et engagée dans une recherche fortement référentielle, alors que celle de Jeanie Riddle est teintée d’abstraction dans une approche de la peinture qui est d’abord et avant tout matérielle. En travaillant ensemble et l’une à travers l’autre, Riddle et Hennelly ont sculpté un espace à même leur pratique pour accueillir l’échange, l’hospitalité, la bienveillance et la réciprocité.

Delphine Hennelly hybride les gestes picturaux, puisant dans des sources aussi variées que la peinture de la Renaissance, les livres anglais illustrés pour enfants ou le fauvisme, par exemple. Alors que son travail touche à un large éventail de traditions relatives à la figuration, la préoccupation principale d’Hennelly demeure au niveau formel et elle évite délibérément de se fier à la création d’une narration. Hennelly accorde une attention méticuleuse à brouiller les figures sans les obscurcir totalement. Elle fait usage d’une variété de ruses pour y arriver, telles que l’utilisation judicieuse des couleurs, des motifs texturés précis et des coups de pinceau, ce qui donne parfois l’impression qu’un filtre recouvre l’image. Cela est d’autant plus intéressant considérant le rôle d’Instagram dans la promotion de la peinture dans les dernières années. En fait, Instagram est un outil qu’embrasse pleinement Hennelly. Elle admet même qu’elle photographie ses œuvres à diverses étapes de leur production pour comprendre à quoi ressemblent ses peintures à travers la lentille d’un iPhone. Pour moi, il s’agit d’une perspective féministe qui reconnaît le compromis inéquitable qui se dessine lorsqu’une femme est visible dans notre société : elle est à la fois désirée et méprisée. Il ne fait aucun doute qu’Instagram incarne parfaitement ce double comportement. Dans le travail de l’artiste, la figuration est saisissable mais elle n’est pas toujours définie, une posture qui est emblématique du va-et-vient prudent de la perception devenu essentiel pour survivre dans des espaces majoritairement blancs et patriarcaux. 

De son côté, Jeanie Riddle penche vers l’abstraction minimaliste en se concentrant à explorer le plein potentiel des formes géométriques. La géographie tient une place significative dans son activité artistique, que ce soit les couleurs de la Californie où elle a vécu dans les années 1990 ou, plus récemment, la palette unique de Mexico. Au cours de la dernière décennie, Riddle s’est consacrée à développer une pratique picturale qui s’étend vers le domaine de la sculpture. À travers sa pratique de l’installation, Riddle perturbe l’espace de la galerie et le transforme en un lieu abstrait qui combine les objets ordinaires ou domestiques à des matériaux de peinture traditionnels comme des toiles et de la peinture acrylique. Riddle s’aventure sans peur dans des zones typiquement associées au féminin, telles que la sphère domestique, la décoration et les soins de beauté, imprégnant ainsi une perspective féministe aux complexités de l’abstraction déplacée dans l’espace tridimensionnel. Son travail évoque un sens du lieu déroutant tout en conservant la familiarité confortable de la maison. En disposant stratégiquement ses œuvres dans l’espace de la galerie, Riddle plante le décor à des rencontres matérielles et à des échanges avec le public.

Les esthétiques contrastantes de Riddle et d’Hennelly sont résolument différentes dans leurs ambitions. Cependant, à travers cette expérimentation unique à la Galerie d’Outremont, ensemble, les artistes nous poussent à envisager l’influence de la peinture au-delà des limites de la toile. Les représentations symboliques et intangibles qui se manifestent en des formes picturales cachent un potentiel politique qui nous oblige à réfléchir à l’impact immatériel des espaces et des images sur nos vies. Leur palette, consistant principalement en des pastels poudreux, sont résolument féminines et illusoirement douces, bien que le travail en lui-même demeure indéniablement subversif. Cette deuxième partie de Cruel to be Kind / Les plus beaux cauchemars insinue à la dérobée les codes et l’iconographie féminins pour transformer l’espace de la galerie en une expérimentation du care et de la compassion qui est transformatrice.

par Anaïs Castro

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